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La protection du patrimoine privé du chef d’entreprise ACS
« Ma petite entreprise ne connaît pas la crise » chantait M. Alain BASHUNG. Néanmoins dans la réalité, toute entreprise exerçant sous forme individuelle ou sociétaire peut s’exposer aux risques que le patrimoine personnel soit appréhendé par les créanciers liés à son activité.
De quelle manière, l’entrepreneur ou le dirigeant de société peut-il protéger son patrimoine des aléas de son activité professionnelle ? Répondre à cette question n’est pas chose aisée. Certains outils peuvent être utilisés pour limiter les risques.
Le bon choix de votre régime matrimonial
En l’absence de contrat de mariage, le paiement des dettes professionnelles contractées pendant le mariage peut être poursuivi sur les biens propres du chef d’entreprise et les biens communs (biens acquis pendant le mariage, y compris les gains et salaires des deux époux). Seuls les biens propres du conjoint sont à l’abri des poursuites des créanciers professionnels. Avec le bémol, que les fruits et revenus de biens propres tombent dans la communauté et donc susceptibles d’être appréhendés.
Avec un contrat de mariage (en optant pour la séparation de biens avec ou non société d’acquêts (mise en communauté de certains biens) ou pour la participation aux acquêts), « chacun des époux reste seul tenu des dettes nées en sa personne avant ou pendant le mariage » (art 1536 al 2 Cci). Le créancier professionnel d’un époux ne peut agir que contre le patrimoine personnel de ce dernier, à l’exclusion de celui de son conjoint.
Le choix de votre régime matrimonial peut s’avérer un outil efficace de protection du patrimoine de l’entrepreneur ou dirigeant de société, à condition que les époux ne soient pas dirigeants de droit ou de fait de la même entreprise ou cogérants. Depuis, la loi du 23 mars 2019, la condition du délai de 2 ans, durant lequel les époux ne peuvent pas modifier leur régime matrimonial, est supprimée.
L’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL)
En entreprise individuelle, il n’y a aucune séparation entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel. C’est le principe d’unicité du patrimoine, selon lequel toute personne a un seul et unique patrimoine servant de gage général à ses créanciers.
Depuis 2010, il est désormais possible pour une entreprise individuelle de scinder les biens affectés à son activité professionnelle et ses biens personnels. Le statut d’entreprise individuelle à responsabilité limitée permet sous forme de déclaration d’affecter les biens nécessaires à son activité professionnelle (local commercial, matériel, véhicule de société), qui seuls pourront être saisis en cas de difficultés. On parle de patrimoine dit « d’affectation ». Ainsi, les biens personnels restent à l’abri des poursuites des créanciers professionnels.
Attention à évaluer correctement les biens affectés.
Cette déclaration s’effectue sur un registre spécial (au greffe du tribunal de commerce pour les commerçants, au répertoire des métiers pour les artisans, et au TGI pour les professionnels libéraux et auto-entrepreneurs).
Une option pour l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés est également possible.
La déclaration d’insaisissabilité
Depuis, la loi dite MACRON du 7 août 2015, la résidence principale du chef d’entreprise exerçant en nom propre est déclarée insaisissable automatiquement uniquement vis à vis de ses créanciers professionnels, qu’elle soit détenue en pleine propriété ou en démembrement, propre à l’entrepreneur ou commune aux époux ou indivise, et sur option par acte notarié pour ses autres biens personnels.
Sont concernés tous les entrepreneurs individuels, propriétaires de biens immobiliers, exerçant une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole, y compris les auto-entrepreneurs et les EIRL. Ne bénéficient pas de cette protection les dirigeants de société.
Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non professionnelle demeure insaisissable sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire. Petit bémol, cependant car l’article L 526-1 Ccom semble autoriser, en cas d'affectation partielle de la résidence à un usage professionnel, la saisie de cette partie de l'immeuble, ce qui ne manquera pas de poser des difficultés pratiques en l'absence d'état descriptif de division.
Pour les autres biens fonciers bâtis ou non bâtis non affectés à un usage professionnel, la déclaration d’insaisissabilité doit être établie par acte notarié. Si un bien immobilier n’est pas exclusivement utilisé pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l’objet de la déclaration qu’à la condition d’être désignée dans un état descriptif de division.
Mais, cette insaisissabilité ne joue que pour les dettes futures, c’est à dire à l’égard des créanciers dont les droits sont nés après la publication de la déclaration (sur le registre de publicité légale (RCS, RM), à défaut d’immatriculation sur un tel registre, dans un journal d’annonces légales, et au bureau des hypothèques pour les immeubles concernés). Toutefois, cette protection est inefficace pour les dettes antérieures à la déclaration et vis à vis de l’administration fiscale en cas de fraude.
Le passage en société
Le passage en société avec la responsabilité limitée (SARL/SAS) au montant des apports permet également à l’entrepreneur individuel de créer une entité juridique propriétaire de son patrimoine professionnel. Seul le patrimoine appartenant à la société peut être saisi par les créanciers professionnels. L’entrepreneur n’engage pas son patrimoine personnel car sa responsabilité est limitée au montant de ses apports, sauf si ce dernier se porte caution vis à vis des tiers (banques, fournisseurs, bailleur).
Le recours à la société civile
Ne bénéficiant pas de la protection d’insaisissabilité, le dirigeant de société pourra aussi avoir recours à la société civile afin d’y loger certains biens personnels. L’objectif est avant tout de retarder la saisie pratiquée par le créancier. En effet, si un dirigeant de société apporte à une ou plusieurs sociétés civiles sa maison d’habitation, sa résidence secondaire, son portefeuille de titres, les créanciers ne pourront saisir que les parts reçues en rémunération des apports et non les biens immobiliers.
Ainsi, vous devenez propriétaire de parts sociales d’une société titulaire d’un patrimoine comprenant de l’actif, du passif, régie par des statuts dotés de clauses dissuasives (clauses d’agrément, irrévocabilité du gérant) ou d’un bail commercial consenti au dirigeant de société. Comparée à la détention directe d’immeuble, l’opération de saisie de parts de sociétés civiles n’est pas si aisée. Ainsi, le débiteur se retrouve dans une situation plus favorable, lui permettant de proposer une transaction à ses créanciers plus facilement conciliants.
Encore faut-il que le dirigeant de société ne se soit pas porté caution personnel de la société, que la constitution de la société ne soit pas le fruit de la fraude aux droits des créanciers et que son fonctionnement ne prête pas à contestation (tenue d’une comptabilité régulière et des assemblée d’approbation des comptes), auxquels cas, la protection du patrimoine privé du dirigeant de société restera illusoire.
Tags : patrimoine privé, chef d'entreprise, patrimoine, protection
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