La gestion des comptes courants d’associés

Il est important, lorsque l’on est associé ou dirigeant d’une société, de bien comprendre le fonctionnement des comptes courants d’associés afin d’en maîtriser autant que possible la gestion. Les comptes courants d’associés peuvent constituer un outil de gestion quand ils sont maîtrisés. A l’inverse, une gestion non maîtrisée peut mettre en difficulté la société ou être à l’origine de conflits entre les associés.

Qu’est-ce qu’un compte courant d’associé ?

Il existe nécessairement des relations financières entre un associé ou un dirigeant (même non associé) et sa société.

Ces relations sont enregistrées comptablement dans un compte intitulé « Associés - comptes courants ». Le solde de ce compte représente les sommes que l’associé ou le dirigeant a temporairement mis à disposition de la société. Ces sommes proviennent non seulement des avances de trésorerie que l’associé ou le dirigeant a pu consentir à la société, mais encore des sommes dues par la société que l’associé ou le dirigeant a renoncées à percevoir immédiatement.

Sont portés au crédit du compte courant de l’associé :

  • les avances de liquidités de l’associé à la société,
  • le prix de vente des biens vendus par l’associé à la société quand le prix n’est pas réglé par la société,
  • les distributions de bénéfices en l’absence de mouvement de trésorerie,
  • toute somme revenant à l’associé laissée à disposition de la société.

Sont portées au débit du compte courant d’associé :

  • les sommes prélevées par l’associé sur la société,
  • les sommes réglées par la société pour le compte de l’associé,
  • la quote-part de l’associé dans les pertes de l’exercice quand les associés d’une société de personnes à l’impôt sur le revenu (société civile, SNC) ont décidé en assemblée générale de prendre à leur charge les pertes.

Il s’opère une compensation entre les montants inscrits au crédit et ceux inscrits au débit du compte courant d’associé, d’où il résulte un solde créditeur ou débiteur.

Le compte courant est dit « créditeur » quand l’associé ou le dirigeant a une créance sur la société, donc quand la société a une dette sur l’associé. Un compte courant d’associé créditeur figure ainsi au passif du bilan de la société.

A l’inverse, le compte courant est dit « débiteur » quand l’associé ou le dirigeant a une dette sur la société, donc quand la société a une créance sur l’associé, il figure à l’actif du bilan de la société.

Un associé ou un dirigeant de société ne devrait pas se retrouver en position de devoir de l’argent à sa société car la société n’a pas vocation à prêter des fonds à ses associés.

Toléré dans les sociétés civiles ou les Sociétés en Nom Collectif (SNC), le compte courant d’associé débiteur est interdit aux associés ou aux dirigeants, personnes physiques, dans certaines formes de sociétés.

Tel est le cas dans les SARL, pour les gérants et associés personnes physiques et, dans les SAS, pour les dirigeants et présidents personnes physiques et les représentants permanents des personnes morales* administrateurs.

Un compte courant d’associé débiteur pourrait être constitutif d’un délit d’abus de biens sociaux et conduire à la révocation du dirigeant ou à sa condamnation au comblement du passif lors d’une liquidation judiciaire.

En revanche, dans le cadre d’un groupe de sociétés, les associés et dirigeants personnes morales*, y compris les SARL ou SAS, peuvent être titulaires de comptes courants d’associés débiteurs à condition que le prêt effectué par la société au profit de la personne morale* associée ou dirigeante ne soit pas contraire à l’intérêt social (convention de trésorerie intragroupe).

Il est en outre fortement déconseillé d’avoir un compte courant d’associé débiteur dans toute société soumise à l’impôt sur les sociétés. Dans le cadre d’un contrôle fiscal, le compte courant d’associé débiteur serait assimilé à un revenu distribué et imposé comme tel entre les mains de l’associé. Socialement, il pourrait être soumis à cotisations sociales.

Comment gérer les comptes courants d’associés ?

Le compte courant d’associé créditeur peut être assimilé à un prêt à durée indéterminée fait à la société par l’un de ses associés ou dirigeant, même non associé. Il constitue en ce sens un outil de financement de la société, peu onéreux pour la société dans la mesure où il n’est généralement pas rémunéré.

Il est une dérogation au principe de monopole bancaire qui interdit « à toute personne autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel » et « à toute personne autre qu’un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement » (article L. 511-5, alinéa 1 et 2 du Code monétaire et financier).

Intéressant pour la société, il peut également l’être pour l’associé. Ainsi, dans une société soumise au régime fiscal de l’impôt sur les sociétés, il permettra à l’associé d’appréhender de la trésorerie. Cependant, parce qu’il est remboursable à tout moment, le compte courant d’associé peut être dangereux pour la société et la fragiliser.

Il faudra donc porter une attention toute particulière aux soldes des comptes courants d’associés à chaque clôture comptable, lors de l’assemblée générale annuelle d’approbation des comptes, pour pouvoir anticiper et gérer au mieux. Des montants trop élevés pourraient mettre en péril la société dans l’hypothèse d’une demande de remboursement.

Afin de se prémunir contre une demande de remboursement intempestive, les associés ont la possibilité, par une convention de blocage, de bloquer le remboursement des comptes courants d’associés pendant la durée fixée. Cette durée ne peut pas être illimitée et ne doit pas être excessive. La convention de blocage, si elle permet de sécuriser la trésorerie de la société, est, en pratique, souvent demandée par les banques qui consentent un prêt pour s’assurer un remboursement prioritaire.

Outre le blocage des comptes courants d’associés, par convention, par une « clause de remboursement sous condition de trésorerie », le remboursement peut être soumis à la condition que la trésorerie de la société le permette, ou encore, par une « clause de préavis », un délai de préavis peut être imposé pour obtenir remboursement.

Par ailleurs, une convention de compte courant d’associé peut prévoir, au profit de son titulaire, une rémunération, par un intérêt fixe, des sommes ainsi laissées à disposition de la société.

Il n’y a d’obligation à rémunérer les comptes courants des associés personnes physiques et le plus souvent ceux-ci ne sont assortis d’aucune rémunération. Dans certaines situations, il pourrait néanmoins être opportun de rémunérer les comptes courants d’associés, notamment en présence de comptes courants d’associés déséquilibrés parce qu’un associé prélève plus que les autres. Certes, cette rémunération, si elle n’est elle-même pas prélevée, viendra alimenter des comptes courants d’associés déjà très créditeurs, mais elle permettra d’éviter que certains associés ne soient lésés et d’anticiper des conflits d’intérêts.

En revanche, dans un groupe de sociétés, lorsque le titulaire du compte courant d’associé est une personne morale*, la rémunération s’impose. En effet, une avance de fonds sans contrepartie pourrait être qualifiée d’acte anormal de gestion par l’administration fiscale et entraîner un redressement.

La rémunération des comptes courants d’associés constitue une charge pour la société qui la verse. Elle est fiscalement déductible dans la limite d’un taux appelé « TMP » (Taux Moyen Pondéré). Ce taux maximal est de 1,15% pour les exercices clos du 28 février 2022 au 31 mai 2022, de 1,35 % pour les exercice clos le 30 juin 2022, de 1,42 % pour les exercices clos le 31 juillet 2022, de 1,49 % pour les exercice clos le 31 août 2022, de 1,66% pour les exercices clos le 30 septembre 2022, de 1,76 % pour les exercices clos le 31 octobre 2022 et de 1,87% pour les exercices clos le 30 novembre 2022. Pour son bénéficiaire, les intérêts perçus sont des revenus qui doivent être fiscalisés ; pour l’associé personne physique, comme des revenus de capitaux mobiliers soumis au Prélèvement Forfaitaire Unique ou au barème progressif de l’impôt sur le revenu, et pour l’associé personne morale*, comme des produits financiers imposables à l’impôt sur les sociétés, s’il relève de l’impôt sur les sociétés, ou à l’impôt sur le revenu au nom de ses associés, s’il relève du régime fiscal des sociétés de personnes.

Dans une société qui a une capacité de remboursement, il pourrait être décidé de contracter un emprunt auprès d’une banque pour rembourser tout ou partie d’un compte courant d’associé. C’est ce que l’on appelle le refinancement des comptes courants d’associés. La société pourra déduire fiscalement les intérêts de l’emprunt contracté sans être limitée par le TMP. Et, les sommes perçues par l’associé constitueront pour lui un capital qu’il pourra replacer ou qui pourra lui servir à un investissement privé sans qu’il ait à s’endetter personnellement.

La gestion des comptes courants d’associés passe aussi par une réflexion sur l’affectation des résultats, bénéfices ou pertes, lors de l’assemblée générale annuelle.

Dans une société à l’impôt sur les sociétés, l’affectation des bénéfices ou d’une fraction des bénéfices en comptes courants d’associés équivaut à une distribution et les sommes ainsi affectées sont fiscalisées au nom des associés à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Dans une société de personnes relevant du régime de l’impôt sur le revenu, en présence de pertes, une affectation systématique en comptes courants d’associés, quand les statuts ne l’interdisent pas, peut être préjudiciable. En effet, si cette affectation peut permettre d’apurer les pertes, elle ne doit pas conduire à rendre débiteurs les comptes courants des associés. En présence de bénéfices, y compris dans les sociétés relevant du régime de l’impôt sur le revenu pour lesquelles les bénéfices, quelle que soit leur affectation, sont imposés directement et en totalité à l’impôt sur le revenu entre les mains des associés, il convient d’éviter une affectation automatique et intégrale aux comptes courants des associés alors que la partie des bénéfices qui va servir à l’autofinancement de l’entreprise devrait être mise en réserve. L’affectation du résultat est d’autant plus à réfléchir qu’elle n’est pas neutre d’un point de vue patrimonial.

La gestion patrimoniale des comptes courants d’associés : Patrimoine propre, patrimoine commun.

Le compte courant de l’associé marié sous un régime de communauté est présumé commun, toutefois, quand bien même l’associé n’aurait dans la société que des parts sociales propres. C’est pourquoi il est important d’être vigilent sur les inscriptions en compte courant d’associé si l’on veut gérer la composition du patrimoine propre et du patrimoine commun de l’associé.

Lors du mariage d’un associé sous un régime communautaire, il faudra veiller à isoler le compte courant d’associé constitué préalablement au mariage qui restera propre, à ne le créditer d’aucune somme commune pour lui conserver son caractère propre, et à créer un nouveau compte courant d’associé qui sera commun, sur lequel seront portées les opérations postérieures au mariage.

De la même façon, lorsqu’un associé avance à la société des sommes provenant de la vente d’un bien propre, il conviendra de ne pas inscrire ces sommes au crédit d’un compte courant d’associé commun mais d’ouvrir un compte courant d’associé spécifique qui demeurera propre, sauf à pouvoir prouver l’origine des fonds.

Dans la situation d’un associé marié sous un régime de communauté titulaire de parts sociales propres, l’affectation de la quote-part de bénéfice en compte courant d’associé fera tomber les sommes correspondantes dans la communauté, les fruits et revenus de biens propres entrant dans la communauté. Une affectation du résultat, non pas au compte courant d’associé, mais en réserve, profiterait au seul patrimoine propre de l’associé puisqu’il permettrait d’augmenter la valeur de ses parts propres du montant des réserves. Et, si le capital social était ensuite augmenté du montant des réserves, les parts sociales attribuées à l’associé en contrepartie seraient propres.

Il faut ici souligner que, quand bien même le compte courant d’associé appartiendrait à la communauté, le conjoint ne saurait en demander le remboursement à la société, seul l’associé titulaire du compte courant d’associé étant en droit de le faire.

Comment transmettre un compte courant d’associé

La vente ou la donation de la totalité parts sociales d’un associé n’emporte pas la transmission de son compte courant d’associé au profit du cessionnaire ou du donataire.

Le compte courant d’associé continue à exister alors même que l’associé s’est retiré de la société. Lors du retrait de l’associé, il est par conséquent important de prévoir le devenir de son compte courant d’associé. Celui-ci pourra être remboursé par la société, par un prêt bancaire ou dans le cadre d’un prêt privé. Il pourra également être cédé au cessionnaire des parts sociales moyennant un prix en principe égal à son montant tel qu’il figure en comptabilité, ou pour un prix inférieur correspondant à sa valeur de recouvrement dans l’hypothèse où la société ne serait pas en mesure de le rembourser compte tenu de sa situation financière. Il pourra encore faire l’objet d’une donation ou en dernier lieu, il entrera dans la succession de l’associé décédé, mais sans pouvoir bénéficier d’aucune exonération en matière de droits de mutation, les dispositifs de faveur pour la transmission des entreprises n’étant pas applicables aux comptes courants d’associés et en particulier le dispositif Dutreil (article 787 B du code général des impôts) qui exonère de droits de mutation à hauteur des ¾ les transmissions de parts sociales ou d’actions dans les sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole. Le compte courant d’associé ayant servi dans nombre de cas au financement des investissements et des stocks de la société, il ne serait pas abusif, préalablement à une donation des parts sociales, lorsque la société ne dispose pas de la trésorerie qui lui permettrait de procéder au remboursement, d’augmenter le capital social par incorporation du compte courant d’associé et de bénéficier de l’exonération Dutreil sur les parts sociales émises en représentation de l’augmentation.

*Personne morale : Groupement doté de la personnalité juridique à laquelle la loi confère des droits semblables à ceux des personnes physiques. Les sociétés civiles ou commerciales sont des personnes morales.



La gestion des comptes courants d’associés


modifié : 19/07/2023
Publié : 04/11/2022



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